Bilan de la saison 2024 des Échouements de sargasses en Martinique
02/12/2024En cette fin d’année, les échouements de sargasses se font plus rares et moins volumineux. Cette période offre l’occasion de tirer un bilan de l’année 2024 et d’entrevoir ce qui peut nous attendre pour la saison prochaine. L’année 2024 confirme une intensification préoccupante des échouements de sargasses dans les Antilles françaises. Grâce au dispositif Sargasses et au suivi des afflux sur des zones de surveillance, cet article vient analyser en rétrospective la saison Sargasses 2024.
Une saison tardive
Après des échouements relativement modestes observés de février à avril 2024, la saison des sargasses s’est installée plus tardivement que l’année précédente, mais avec une intensité accrue. Le niveau de prévision d’échouement a même atteint un niveau très fort en 2024, jamais égalé en 2023. La saison 2024 s’est étendue sur 25 semaines, se concentrant entre la fin avril et le début septembre contre 37 semaines en 2023. Bien que raccourcie, elle s’est révélée plus intense, concentrant en quelques mois des échouements massifs, marquant une rupture avec les schémas observés lors de la saison précédente.
Figure 1: Niveau de prévision d’échouement émis pour la Martinique en 2023 et 2024
Évolution des échouements : une rupture après 2018
La Figure 2 montre une augmentation marquée de la surface des radeaux de sargasses surveillés au large depuis 2011 dans la zone de surveillance défini dans la région Atlantique Centre Ouest, au nord de la ZCIT ‘Zone de convergence inter tropicale. Cette région correspond à ce que Wang et al. (2019) ont désigné comme la nouvelle ‘ceinture équatorial’. Bien que ces surfaces ne reflètent pas directement les échouements côtiers, elles en sont la source principale. Cette corrélation fait de la zone de surveillance un outil clé pour anticiper les risques et affiner les prévisions saisonnières.
Figure 2: Evolution de la surface estimée journalière des sargasses depuis 2011 dans la zone de surveillance utilisée
Amplification des échouements récents
Un histogramme des écarts par rapport à la moyenne de la période 2011-2021 confirme cette tendance à l’intensification depuis 2018. L’écart positif enregistré chaque année depuis cette date montre que les afflux de sargasses dépassent systématiquement les niveaux historiques moyens. (Figure 3). L'analyse souligne une régularité et une intensité accrues des échouements, en lien avec l'évolution des conditions océaniques tels que l'augmentation des températures de surface et la variabilité des courants marins, qui favorisent la prolifération et le transport des algues.
Figure 3: Histogramme des écarts à la moyenne (sur la période 2011- 2021), pour chaque année
Une abondance relative sur le long terme :
La figure 4 illustre ces tendances par des courbes cumulées : les échouements récents atteignent rapidement des surfaces importantes, avec l'année 2024 se classant 6ème en termes de superficie totale observée. Bien qu'elle ne figure pas parmi les plus extrêmes en termes de volume total, elle reste significative, confirmant que cette année s'inscrit dans un cycle prolongé de saisons d'échouements particulièrement actives.
Figure 4: Courbes cumulatives mensuelles par année depuis 2011
Conclusion
La compréhension des dynamiques saisonnières et interannuelles est cruciale pour améliorer les modèles de prévision et adapter les réponses aux échouements de sargasses. Par ailleurs, l'analyse des facteurs déclencheurs, qu'il s'agisse des apports en nutriments ou de variations climatiques globales, demeure un domaine clé pour éclairer les décideurs et orienter des actions à long terme.
L'intensification et la récurrence accrue des échouements de sargasses depuis 2011 pourraient s'expliquer en partie par des modifications des conditions environnementales partielles. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour valider ces hypothèses.
Météo-France reste pleinement mobilisée pour affiner ses prévisions et informer les décideurs, les gestionnaires et la population via des bulletins dédiés. L'objectif est d'appuyer les actions de gestion logistique des autoritès, tant en mer qu'à terre, afin de réduire les impacts, mieux anticiper ce phénomène désormais récurrent, et accompagner la mise en place de solutions adaptées.
Source :
Wang, M., Hu, C., Barnes, B. B., Mitchum, G., Lapointe, B., & Montoya, J. P. (2019). The great Atlantic Sargassum Belt. Science, 365(6448), 83-87.