Bulletin technique des prévisions d'activité cyclonique de la saison 2024 - actualisation de juillet
11/07/2024Sur le bassin Atlantique, la Mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique, les tendances saisonnières en matière d’activité cyclonique se maintiennent à un niveau très supérieur à la normale supérieure à la normale des années 1991-2020.
Phénomènes de grandes échelles qui influencent l'activité cyclonique
Les prévisions d’activité cyclonique sont pilotées par la connaissance de phénomènes climatiques de grandes échelles géographiques et temporelles (El Niño/La Niña et températures de surface de l’Océan Atlantique en particulier) dont on connaît certaines conséquences et corrélations avec l'activité cyclonique.
Ces phénomènes ont une influence sur des facteurs météorologiques importants pour l’activité cyclonique :
- La température de l'océan superficiel dans les régions habituelles de formation et d’évolution des cyclones.
- L'organisation des vents sur une couche importante de l'atmosphère.
- L’humidité intégrée de la masse d’air et sa capacité à créer des mouvements verticaux.
Oscillation australe (El Niño Southern Oscillation : ENSO)
Figure 1 : Région Niño 3.4 (Pacifique équatorial central), moyennes mensuelles des anomalies de température de surface de la mer entre mai 2022 et mai 2024 (source : Union Européenne - Mercator Océan). |
La phase El Niño de l’oscillation australe est en place depuis mai 2023. Cette phase a atteint son pic en fin d’année 2023. Une baisse d’intensité est maintenant observée depuis la fin d’année 2023 (figure 1). Depuis juin 2024, la phase El Niño est terminée et le cycle ENSO a basculé en phase neutre.
L’évolution actuelle de la phase ENSO se traduit par une baisse significative de la température de surface de la mer dans cette partie de l’océan Pacifique (région Nino 3,4). Cette baisse de température va se poursuivre au cours des prochains mois d’après les modèles de prévision saisonnière de Météo-France et du Centre Européen.
Les prévisions de juillet annoncent une nouvelle fois une poursuite du refroidissement de la température de surface de la mer dans cette partie de l’océan Pacifique (région Nino 3,4) pour la saison cyclonique 2024 (figure 2B). Le démarrage de la saison cyclonique se fait en phase neutre de l’ENSO puis une transition vers une phase La Nina est envisagée pour le cœur de la saison cyclonique.
Les prévisions de juillet du modèle européen et de Météo-France montrent encore une certaine dispersion des scénarios. Toutefois un très grand nombre de membres envisagent toujours une poursuite du refroidissement vers une phase La Nina (figures 2A et 2B). La région Nino 3,4 ne résumant pas l’entièreté de l’océan Pacifique, il est intéressant de regarder la région Nino 3. Sur cette région, le basculement en phase Nina apparaît aussi plus clairement.
Figure 2A : Prévisions d'anomalies de température de surface de la mer (SST) dans la région Niño 3.4 (Pacifique équatorial central) par le multi-modèle C3S (Union Européenne – Copernicus) de juin 2024 |
Figure 2B : Prévisions d'anomalies de température de surface de la mer (SST) dans la région Niño 3.4 (Pacifique équatorial central) par le modèle MF-S8 (Météo-France) de mai 2024 |
Les prévisions expertisées du CPC/IRI, issues de différents modèles dynamiques et statistiques vont dans le sens du modèle européen. Les prévisions de mai suggèrent une période de bascule vers la phase La Nina durant le trimestre juin-juillet-août, soit sur la première partie de la saison cyclonique. Au fil des mois suivants, les probabilités d’être en présence d’une phase neutre s’affaiblissent très sensiblement. Les prévisions de mai confirment à nouveau un fort pourcentage d’être en phase La Nina au cours de la saison cyclonique 2024. (figure 3).
Figure 3 : Probabilités ENSO issues de différents modèles probabilistes, expertises CPC/IRI, publiées en juillet 2024. (source : USA- International Research Institute). |
On retiendra que le scénario le plus probable est une bascule vers une phase La Nina au milieu de la saison cyclonique 2024.
En général, la configuration La Nina s’accompagne, dans le bassin Atlantique, d’un affaiblissement du cisaillement de vent vertical qui est un facteur favorable pour la formation des phénomènes cycloniques.
Températures de surface de l’Océan Atlantique
Sur ce dernier trimestre, les températures de surface de l’Océan Atlantique Nord sont en moyenne sur l’ensemble du bassin, légèrement plus chaudes que la normale (0,6°C). C’est sur la majeure partie tropicale du bassin, que les anomalies de températures sont les plus élevées. Sur l’arc antillais, la température de surface de la mer se situe entre 0,8 et 1,6°C plus chaude que la moyenne sur la période 1993-2016. Ces anomalies augmentent très sensiblement en allant vers l’est, et une large façade Est du bassin Atlantique tropical se caractérise par des anomalies proches de 2°C (figure 4A).
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Il est intéressant de noter qu’en moyenne dans l’Atlantique tropical de l’hémisphère nord, ces températures sont en anomalie chaude depuis plus de 2 ans, et qu’une nette tendance à la hausse est observée depuis octobre 2023 (figure 4B).
Figure 4B : Moyennes mensuelles des anomalies de température de surface de la mer au nord de l’Océan Atlantique tropical, |
Pour les prochains mois, entre août et octobre, le modèle MF-S8 de Météo-France prévoit que l’ensemble du bassin Atlantique va rester dans une configuration d’anomalies élevées de températures de surface. Ces anomalies sont prévues être plus importantes sur l’Atlantique Nord, mais également sur toute la bande tropicale incluant l’arc antillais (figure 5).
Figure 5 : Carte des anomalies de SST dans l’Atlantique Nord prévues pour août-septembre-octobre 2024 par le modèle MF-S8 (Météo-France) du mois de juillet 2024 |
En général ce type de configuration des températures de surface de l'Océan Atlantique est associé à une saison cyclonique plus active que la normale.
Les prévisions d’activité cyclonique des différents centres internationaux
a configuration ENSO de l’Océan Pacifique et les températures de surface de l’Océan Atlantique sont les principaux contributeurs à l’activité cyclonique sur le bassin Atlantique. Les prévisions d’évolution de ces contributeurs au cours de la saison cyclonique 2024 sont favorables à la cyclogénèse. D’une part, la configuration La Nina ainsi que les anomalies de températures de mer chaudes sur le bassin ont pour effet de rendre les conditions atmosphériques plus propices à la formation des systèmes tropicaux grâce à une répartition des vents sur la verticale plus homogène. D’autre part, des températures élevées de surface de l’océan sont par nature favorables au développement et renforcement des cyclones.
Ainsi, les prévisions d’activité cyclonique pour 2024, émises par les centres qui en produisent, font état d’une activité très supérieure à la normale.
Parmi eux, le Centre Européen de Prévisions prévoient environ 8 systèmes de plus que la moyenne calculée sur les 30 dernières années (figure 6).
Figure 6 : Nombre de tempêtes tropicales et cyclones prévus entre juin et novembre 2024 par le modèle SEAS5 le 01/06/2024 (source : Union Européenne - ECMWF). Activité cyclonique prévue en vert, moyenne sur la période de référence 1993-2023 en orange, écart-type en bleu. |
L’université du Colorado a également annoncé une saison cyclonique avec une activité très supérieure à la normale.
Conclusions
L’activité cyclonique de la saison cyclonique 2024 reste prévue très supérieure à la normale sur le bassin Atlantique. Ces prévisions d’activité cyclonique s’accompagnent encore d’une incertitude, en particulier sur l’évolution du cycle ENSO. Elles sont régulièrement mises à jour. En ce début de mois de juillet, les différents éléments d’analyse et de prévision dont nous disposons convergent pour que la saison cyclonique 2024 soit d’une activité très supérieure à la normale :
- ENSO : la bascule vers la phase La Nina est le scénario le plus probable, ce qui donne une configuration atmosphérique favorable pour la formation des systèmes tropicaux.
- Températures de l’Océan Atlantique tropical : elles sont déjà, et sont prévues rester très sensiblement supérieures aux normales, ce qui est un facteur favorable pour promouvoir une saison plus active que la normale.
Ces tendances sont valables pour l’ensemble du bassin Atlantique tropical. Aussi, il faut surtout garder en mémoire que l’incertitude des prévisions saisonnières est encore plus importante pour une petite île donnée et qu’un seul cyclone suffit pour impacter fortement un territoire et laisser une trace de saison mémorable !
Quelle que soit l'activité prévue des saisons cycloniques, il est recommandé de se préparer. Cette recommandation est donc encore plus avérée en 2024 qui s’annonce active.