Météo-France
Bulletin technique des prévisions d'activité cyclonique de la saison 2025
01/04/2025Sur le bassin Atlantique, la Mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique, les tendances saisonnières en matière d’activité cyclonique semblent être à un niveau sensiblement supérieure à la normale des années 1991-2020.
Phénomènes de grandes échelles qui influencent l'activité cyclonique
Les prévisions d’activité cyclonique sont pilotées par la connaissance de phénomènes climatiques de grandes échelles géographiques et temporelles (El Niño/La Niña et températures de surface de l’Océan Atlantique en particulier) dont on connaît certaines conséquences et corrélations avec l'activité cyclonique.
Ces phénomènes ont une influence sur des facteurs météorologiques importants pour l’activité cyclonique :
- La température de l'océan superficiel dans les régions habituelles de formation et d’évolution des cyclones.
- L'organisation des vents sur une couche importante de l'atmosphère.
- L’humidité intégrée de la masse d’air et sa capacité à créer des mouvements verticaux.
Oscillation australe (El Niño Southern Oscillation : ENSO)
Depuis octobre 2025, nous étions en phase faible La Nina. Cette phase a atteint son pic en janvier 2025. Depuis fin janvier, une tendance est observée pour aller vers une probable bascule en phase neutre qui vient d’être effective(figure 1).
L’évolution actuelle de la phase ENSO se traduit par une hausse de la température de surface de la mer dans cette partie de l’océan Pacifique (région Nino 3.4). Pour les prochains mois, cette température peut soit continuer à augmenter, soit se stabiliser d’après les modèles de prévision saisonnière de Météo-France et du Centre Européen.
L’évolution de la température de surface dans la région Nino 3.4, qui détermine la phase ENSO (La Nina, El Nino ou neutre) est à ce jour associée à une forte incertitude. Toutefois c’est le scénario d’une phase neutre qui semble être privilégié par les différents modèles.
On note néanmoins de légères différences sur l’évolution des SST entre les deux modèles, en particulier en termes d’amplitude et de dispersion. C’est le modèle européen (figure 2A) qui propose la plus forte dispersion et amplitude dans le signal par rapport au modèle de Météo-France (figure 2B). Toutefois le scénario privilégié par les deux modèles est un début de saison cyclonique en phase neutre.
Les prévisions expertisées du CPC/IRI, issues de différents modèles dynamiques et statistiques vont dans le sens des modèles européens et français. La probabilité de passer la saison en phase neutre reste plus importante tout au long de la saison. Au fil des mois suivants, les probabilités d’être en présence d’une phase neutre s’affaiblissent très sensiblement pour être équivalente aux probabilités d’être en La Nina pour la fin d’année. Ces prévisions confortent le scénario d’être en phase neutre au cours de la saison cyclonique 2025. (figure 3).
On retiendra que l’incertitude des prévisions du cycle ENSO est encore très importante. Néanmoins, le scénario le plus probable est une stabilisation en phase neutre avant le début de la saison cyclonique 2025.
En général, la configuration neutre s’accompagne, dans le bassin Atlantique, d’une incertitude plus forte pour prévoir l’activité cyclonique pour la saison.
Températures de surface de l’Océan Atlantique
Durant le premier trimestre de l’année 2025, les températures de surface de l’Océan Atlantique Nord sont en moyenne sur l’ensemble du bassin, légèrement plus chaudes que la normale (+0,5°C). C’est sur la partie des latitudes tempérées du bassin, que les anomalies de températures sont les plus élevées. Sur l’arc antillais, la température de surface de la mer se situe entre 0,4 et 1,2°C plus chaude que la moyenne sur la période 1993-2016. Ces anomalies augmentent très sensiblement en allant vers le nord-est : cette zone se caractérise par des anomalies supérieures à 1,6°C (figure 4A).
Il est intéressant de noter qu’en moyenne dans le Nord de l’Atlantique tropical, ces températures sont en anomalie chaude depuis plus de 3 ans. Toutefois, après le pic connu en début d’année 2024, les écarts se réduisent et la température de surface de l’Océan Atlantique tend plutôt vers les normales sans les atteindre non plus. En effet au pic, l’anomalie de température a atteint +1,5°C en mars 2024, cette anomalie est de l’ordre de +0,5°C en février 2025 (figure 4B).
Pour les prochains mois, entre juillet et septembre, le modèle MF-S8 de Météo-France prévoit que l’ensemble du bassin Atlantique va rester dans une configuration d’anomalies élevées de températures de surface. Ces anomalies sont prévues être plus importantes sur l’Atlantique Nord. Elles sont moins importantes sur la bande tropicale comportant les Antilles (figure 5).
En général ce type de configuration des températures de surface de l'Océan Atlantique est associé à une saison cyclonique plus active que la normale.
Les prévisions d’activité cyclonique des différents centres internationaux
La configuration ENSO de l’Océan Pacifique et les températures de surface de l’Océan Atlantique sont les principaux contributeurs à l’activité cyclonique sur le bassin Atlantique.
Les prévisions d’évolution de ces contributeurs au cours de la saison cyclonique 2025 sont plutôt favorables à la cyclogénèse. D’une part, la possible configuration en phase neutre ne contribue pas à dégager une tendance significative pour l’activité cyclonique. D’autre part, des températures élevées de surface de l’océan sont par nature favorables au développement et renforcement des cyclones.
Ainsi, les premières prévisions d’activité cyclonique pour 2025, émises par les centres qui en produisent, font état d’une activité supérieure à la normale.
Parmi eux, le Centre Européen de Prévisions prévoit un nombre de systèmes équivalent à la moyenne calculée sur les 30 dernières années. Toutefois, ces prévisions n’incluent pas pour l’instant, les mois d’octobre et novembre.(figure 6).
L’université du Colorado pour sa part, vient de sortir ses premières prévisions en annonçant une saison cyclonique ayant une activité supérieure à la normale.
Conclusions
Il s’agit des premières éditions des prévisions d’activité cyclonique sur le bassin Atlantique pour 2025. Elles s’accompagnent donc d’une incertitude importante, en particulier sur l’évolution du cycle ENSO. Elles seront régulièrement mises à jour pour les affiner jusqu’en juin qui marque le démarrage de la saison. En ce début du mois d’avril, les différents éléments d’analyse et de prévision dont nous disposons tendent à converger pour que la saison cyclonique 2025 soit d’une activité qui peut être sensiblement supérieure à la normale :
• ENSO : une stabilisation en phase neutre est la configuration la plus probable. Cette configuration ne contribue pas à dégager une tendance significative pour l’activité cyclonique
• Températures de l’Océan Atlantique tropical : elles sont déjà, et sont prévues rester très sensiblement supérieures aux normales, ce qui est un facteur favorable pour promouvoir une saison plus active que la normale.
Ces tendances sont valables pour l’ensemble du bassin Atlantique tropical. Aussi, il faut surtout garder en mémoire que l’incertitude des prévisions saisonnières est encore plus importante pour une petite île donnée et qu’un seul cyclone suffit pour impacter fortement un territoire et laisser une trace de saison mémorable !
Quelle que soit l'activité prévue des saisons cycloniques, il est recommandé de se préparer. Cette recommandation reste importante pour l’année 2025 qui peut être sensiblement supérieure à la normale sur l’activité cyclonique.