Prévisions saisonnières Anomalies de température de surface de l'Océan Atlantique Nord en janvier-février-mars 2024 en comparaison de la moyenne pour la même période entre 1993 et 2016

Union Européenne - Mercator Océan

Bulletin technique des prévisions d'activité cyclonique de la saison 2024

05/04/2024

Sur le bassin Atlantique, la Mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique, l’activité cyclonique 2024 est prévue très sensiblement supérieure à la normale des années 1991-2020.

Phénomènes de grandes échelles qui influencent l'activité cyclonique

Les prévisions d’activité cyclonique sont pilotées par la connaissance de phénomènes climatiques de grandes échelles géographiques et temporelles (El Niño/La Niña et températures de surface de l’Océan Atlantique en particulier) dont on connaît certaines conséquences et corrélations avec l'activité cyclonique.

Ces phénomènes ont une influence sur des facteurs météorologiques importants pour l’activité cyclonique :

  • La température de l'océan superficiel dans les régions habituelles de formation et d’évolution des cyclones.
  • L'organisation des vents sur une couche importante de l'atmosphère.
  • L’humidité intégrée de la masse d’air et sa capacité à créer des mouvements verticaux.

 

Oscillation australe (El Niño Southern Oscillation : ENSO)

La phase El Nino de l’oscillation australe est en place depuis mai 2023. Cette phase a atteint son pic en fin d’année 2023, conformément aux évolutions classiques de ce cycle. Une baisse d’intensité progressive est maintenant observée depuis les quatre précédents mois (figure 1).

(Figure 1) Région Niño 3.4 (Pacifique équatorial central), moyennes mensuelles des anomalies de température de surface de la mer entre avril 2022 et mars 2024 (source : Union Européenne - Mercator Océan).

L’évolution actuelle de la phase ENSO se traduit par une baisse de la température de surface de la mer dans cette partie de l’océan Pacifique (région Nino 3,4). Cette baisse de température va se poursuivre au cours des prochains mois d’après les modèles de prévision saisonnière de Météo-France et du Centre Européen. On note néanmoins des différences sur l’amplitude que prendra ce refroidissement. Le modèle de Météo-France propose un refroidissement moins prononcé à partir de juin, c’est-à-dire au démarrage de la saison cyclonique (figure 2A). Avec ce modèle, le cœur de la saison cyclonique se déroulerait en phase neutre de l’ENSO. Avec le modèle européen, la dispersion des scénarios est beaucoup plus forte, et selon de nombreux membres, une poursuite du refroidissement vers une phase La Nina est envisagée (figure 2B).

(Figure 2A) Prévisions d'anomalies de température de surface de la mer (SST) dans la région Niño 3.4 (Pacifique équatorial central) par le modèle MF-S8 (Météo-France) de mars 2024(Figure 2B) Prévisions d'anomalies de température de surface de la mer (SST) dans la région Niño 3.4 (Pacifique équatorial central) par le multi-modèle C3S (Union Européenne – Copernicus) de mars 2024

 

Les prévisions expertisées du CPC/IRI, issues de différents modèles dynamiques et statistiques vont dans le sens du modèle européen. La bascule vers la phase La Nina devient plus probable sur le trimestre juin-juillet-août, soit sur la première partie de la saison cyclonique. Au fil des mois suivants, les probabilités d’être en présence d’une phase neutre s’affaiblissent très sensiblement. Ces prévisions proposent ainsi un fort pourcentage d’être en phase La Nina au cours de la saison cyclonique 2024. (figure 3).

Prévisions expertisées du CPC/IRI

On retiendra que l’incertitude des prévisions du cycle ENSO est encore importante. Néanmoins, le scénario le plus probable est une bascule vers une phase La Nina au cours de la saison cyclonique 2024.

En général, la configuration La Nina s’accompagne, dans le bassin Atlantique, d’un affaiblissement du cisaillement de vent vertical qui est un facteur favorable pour la formation des phénomènes cycloniques.

Températures de surface de l’Océan Atlantique

Sur ce dernier trimestre, les températures de surface de l’Océan Atlantique Nord sont en moyenne sur l’ensemble du bassin, légèrement plus chaudes que la normale (+0,59°C). C’est sur la majeure partie tropicale du bassin, que les anomalies de températures sont les plus élevées. Sur l’arc antillais, la température de surface de la mer se situe entre 0,8 et 1,2°C plus chaude que la moyenne sur la période 1993-2016. Ces anomalies augmentent très sensiblement en allant vers l’est, et une large façade Est du bassin Atlantique tropical se caractérise par des anomalies supérieures à 2°C (figure 4A).

Anomalies de température de surface de l'Océan Atlantique Nord en janvier-février-mars 2024 en comparaison de la moyenne pour la même période entre 1993 et 2016 (source : Union Européenne - Mercator Océan).

Il est intéressant de noter qu’en moyenne dans l’Atlantique tropical de l’hémisphère nord, ces températures sont en anomalie chaude depuis plus de 2 ans, et qu’une nette tendance à la hausse est observée depuis octobre 2023 (figure 4B).

Moyennes mensuelles des anomalies de température de surface de la mer au nord de l’Océan Atlantique tropical, entre avril 2022 et mars 2024 (source : Union Européenne - Mercator Océan)

Pour les prochains mois, entre juillet et septembre, le modèle MF-S8 de Météo-France prévoit que l’ensemble du bassin Atlantique va rester dans une configuration d’anomalies élevées de températures de surface. Ces anomalies sont prévues être plus importantes sur l’Atlantique Nord, mais également sur toute la bande tropicale incluant l’arc antillais (figure 5).

Carte des anomalies de SST dans l’Atlantique Nord prévues pour juillet-août-septembre 2024 par le modèle MF-S8 Météo-France) du mois de mars 2024

En général ce type de configuration des températures de surface de l'Océan Atlantique est associé à une saison cyclonique plus active que la normale.

Les prévisions d’activité cyclonique des différents centres internationaux

La configuration ENSO de l’Océan Pacifique et les températures de surface de l’Océan Atlantique sont les principaux contributeurs à l’activité cyclonique sur le bassin Atlantique. Les prévisions d’évolution de ces contributeurs au cours de la saison cyclonique 2024 sont favorables à la cyclogénèse. D’une part, la configuration La Nina a pour effet de rendre les conditions atmosphériques plus propices à la formation des systèmes tropicaux grâce à une répartition des vents sur la verticale plus homogène. D’autre part, des températures élevées de surface de l’océan sont par nature favorables au développement et renforcement des cyclones.

Ainsi, ces premières prévisions d’activité cyclonique pour 2024 font état d’une activité très nettement supérieure à la normale, et ce sont les prévisions les plus pessimistes depuis l’établissement de ces bulletins.

Parmi eux, le Centre Européen de Prévisions prévoit 5 à 6 systèmes de plus que la moyenne calculée sur les 30 dernières années, jusqu’au mois de septembre inclus (les mois d’octobre et novembre ne sont pas pris en compte pour le moment) (figure 6).

L’université du Colorado pour sa part, vient de sortir ses premières prévisions en annonçant une saison cyclonique ayant une activité très supérieure à la normale.

Nombre de tempêtes tropicales et cyclones prévus entre mai et octobre 2024 par le modèle SEAS5 le 01/04/2024 (source : Union Européenne - ECMWF). Activité cyclonique prévue en vert, moyenne sur la période de référence 1993-2023 en orange, écart-type en bleu.

 

Conclusions

Il s’agit des premières éditions des prévisions d’activité cyclonique sur le bassin Atlantique pour 2024. Elles s’accompagnent donc d’une incertitude importante, en particulier sur l’évolution du cycle ENSO. Elles seront régulièrement mises à jour pour les affiner jusqu’en juin qui marque le démarrage de la saison.

En ce début du mois d’avril, les différents éléments d’analyse et de prévision dont nous disposons tendent à converger pour que la saison cyclonique 2024 soit d’une activité supérieure à la normale :

  • ENSO : La bascule vers la phase La Nina semble être le scénario le plus probable, ce qui donne une configuration atmosphérique favorable pour la formation des systèmes tropicaux.
  • Températures de l’Océan Atlantique tropical : elles sont déjà, et sont prévues rester très sensiblement supérieures aux normales, ce qui est un facteur favorable pour promouvoir une saison plus active que la normale.

Ces tendances sont valables pour l’ensemble du bassin Atlantique tropical. Aussi, il faut surtout garder en mémoire que l’incertitude des prévisions saisonnières est encore plus importante pour une petite île donnée et qu’un seul cyclone suffit pour impacter fortement un territoire et laisser une trace de saison mémorable !

Quelle que soit l'activité prévue des saisons cycloniques, il est recommandé de se préparer. Cette recommandation est donc encore plus avérée en 2024 qui s’annonce active.

Récapitulatif des prévisions d'activité cyclonique des différents instituts